Dans le paysage politique et économique contemporain, les relations entre la Russie et l'Union européenne (UE) sont un théâtre où se jouent des jeux complexes de pouvoir, d'influence et de rivalité. Au coeur de ces interactions se trouvent les sanctions. Ces instruments sont souvent utilisés pour exprimer un désaccord, infliger des dommages économiques et encourager un changement de comportement.

Cependant, ce qui distingue la dynamique russo-européenne, c'est la façon dont la Russie répond avec une ingéniosité surprenante aux pressions économiques imposées par l'UE. En déployant des tactiques astucieuses, en exploitant les structures de l'État et en mettant en oeuvre des stratégies de contournement sophistiquées, la Russie est parvenue à atténuer les effets des sanctions européennes.
Russian sanctions delivery
Cette capacité constante d'adaptation reflète la complexité de l'environnement économique mondial et la remarquable résilience de la Russie face aux défis contemporains.
Dans cet article, nous examinons de plus près les subtilités de la réponse de la Russie aux sanctions de l'UE, en mettant en lumière les stratégies et les implications de cette lutte d'influence.

Comment la Russie a-t-elle réagi aux sanctions ?

En réponse, la Russie a réagi de manière significative aux sanctions économiques imposées par l'Union européenne et les Etats-Unis afin de pouvoir adapter son économie aux nouvelles restrictions, en voici quelques exemples :

  • 1

    Contre-sanctions économiques : La Russie a réagi aux mesures restrictives en imposant des contre-sanctions économiques, interdisant l'importation de produits alimentaires en provenance des pays qui la sanctionnent. Cette initiative vise à réduire la dépendance à l'égard des importations, à promouvoir la production intérieure et à soutenir la stratégie du blé. Les exportations mondiales de blé, qui représentent 30% des exportations de la Russie et de l'Ukraine, révèlent une manoeuvre visant à renforcer la domination russe sur le marché mondial du blé et à accentuer l'isolement économique de l'Ukraine. L'USDA indique que depuis 2023, la Russie est devenue le premier producteur mondial, représentant un quart du commerce mondial du blé.

  • 2

    La stratégie du blé pendant le conflit : La Russie a habilement mis en oeuvre cette stratégie du blé pendant le conflit, permettant au Kremlin d'exercer une pression sur les pays hésitants. Adoptant une approche non conventionnelle, la Russie a mené des négociations sous l'égide de l'Etat, en basant les prix sur les intérêts russes. Cette approche, étendue au domaine de l'énergie, combinée aux sanctions occidentales, à la pandémie de COVID-19 et à la guerre, a contribué à l'augmentation de l'inflation mondiale, consolidant la diplomatie du chantage grâce à la position dominante de la Russie sur le marché du blé.

  • 3

    Promouvoir le commerce intra-régional : Face aux défis des sanctions, les entreprises explorent différentes alternatives, comme le recours à des intermédiaires et l'établissement de partenariats avec des pays qui ne sont pas soumis aux mêmes sanctions. Par exemple, les échanges commerciaux entre le Kirghizstan, le Kazakhstan et la Turquie ont connu une forte augmentation, permettant d'éviter les restrictions imposées par l'UE et la Russie.

  • 4

    Restructurer les partenariats énergétiques: La Russie a élaboré de nouveaux accords énergétiques et augmenté ses exportations vers les pays qui n'appliquent pas de sanctions. Des projets énergétiques communs ont été promis, notamment avec des pays comme la Chine, l'Inde et la Turquie. Toutefois, cette approche révèle une stratégie sous-jacente. Parmi les principales recettes de la Russie figurent les hydrocarbures, visés par les sanctions européennes destinées à éviter une hausse des prix mondiaux qui aurait des répercussions sur de nombreux pays. En conséquence, ces sanctions se concentrent spécifiquement sur le transport maritime des hydrocarbures russes. Néanmoins, ces restrictions sont contournées de manière indétectable, comme le changement de pavillon des navires pour éviter les restrictions dans le détroit du Bosphore. Certains navires vont même jusqu'à couper leurs émetteurs et changer de cargaison en mer, rendant difficile la traçabilité de leur origine.

  • 5

    Réorientation des flux commerciaux : La Russie a réorienté ses flux commerciaux en se tournant vers de nouveaux marchés et en diversifiant ses exportations. Elle a intensifié ses efforts pour accroître ses exportations vers les pays de la région Asie-Pacifique, notamment en développant la route maritime du Nord et la nouvelle route de la soie.

  • 6

    Coopération avec d'autres pays sanctionnés : La Russie renforce ses alliances et ses partenariats économiques et politiques avec d'autres pays soumis à des sanctions économiques, en consolidant ses relations commerciales et diplomatiques. Par exemple, avec l'Iran, le Venezuela et la Corée du Nord, qui font également l'objet de sanctions internationales. Et l'accès aux stocks d'armes, de technologies et d'autres biens.



Comment la Russie utilise-t-elle la Communauté des États indépendants (CEI) pour maintenir ses échanges avec l'UE ?

Face aux pertes causées par les sanctions, la Russie a pris des mesures pour promouvoir le commerce intra-régional, en particulier dans le domaine de l'agriculture.au sein de la CEI. Cette stratégie vise à utiliser ces pays comme intermédiaires pour maintenir les échanges avec l'Union européenne et d'autres pays qui ont imposé des sanctions à la Russie.

Un exemple récent de ce type de man?uvre est apparu à la suite de l'interdiction par l'Union européenne de l'importation de certains bois biélorusses et russes en mars 2022, après l'invasion de l'Ukraine par la Russie via le territoire biélorusse. Malgré cette interdiction, du bois biélorusse et russe a continué d'arriver chez ses clients habituels avec de faux documents, selon une enquête menée par due diligence du
Belarusian Investigative Centre (BIC).

Selon cette enquête, réalisée en collaboration avec plusieurs organisations de journalisme d'investigation dans les pays concernés, depuis les interdictions d'exportation et d'importation de bois, le Kazakhstan et le Kirghizistan sont récemment devenus des fournisseurs de bois en Europe, enregistrant une augmentation significative de leurs exportations depuis 2022.
GDPR

Toutefois, une enquête approfondie révèle une réalité inquiétante : une grande partie du bois continue de provenir principalement de Russie et du Belarus. Il atteint sa destination en Europe en contournant les restrictions frontalières et en revendiquant une origine kazakhe ou kirghize, sans avoir officiellement transité par ces pays.

Ces chiffres, multipliés respectivement par 74 et 18 000 par rapport à l'année précédente, soulignent l'ampleur du problème et soulèvent de sérieuses questions quant à l'authenticité des flux commerciaux. L'Union européenne doit être alertée sur ces anomalies, notamment en raison de l'écart important entre les volumes de bois exportés et les capacités réelles de production de ces pays d'Asie centrale, réputés arides. Cette situation met en évidence la nécessité d'un contrôle renforcé des flux commerciaux et d'une application stricte des sanctions afin d'éviter toute exploitation des failles du système.

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Dans un souci d'efficacité et pour couper les approvisionnements militaires russes, l'Europe a préféré priver la Russie de tous les composants occidentaux (notamment la microélectronique pour la construction de missiles et autres), bien que certains produits à double usage sanctionnés, tels que les semi-conducteurs, continuent de franchir la frontière.

Par exemple, nous constatons que certaines entreprises européennes de semi-conducteurs ont doublé leurs exportations vers la Russie à la suite de l'imposition des sanctions, et que certaines d'entre elles atteignent les fournisseurs de l'armée russe via une cascade d'intermédiaires passant par les pays frontaliers. Malgré une vigilance accrue de la part de l'Europe, ce processus se poursuit, car il est impossible de tracer chaque puce individuellement.


Comment la Russie contourne-t-elle les sanctions ?

La Russie a contourné les sanctions en développant des mécanismes financiers alternatifs, tels que le système national de paiement (SPFS), puisque ses actions étaient limitées au système SWIFT, ou le système national de cartes de paiement (NSPK).

Les sanctions européennes présentent également des lacunes, comme le fait que les institutions financières russes se sont vu refuser l'accès au système d'échange de quotas d'émission système Swift. Ce fut un coup dur pour le monde financier russe, même s'il fut de courte durée. Pour s'adapter, la Russie a créé de nouvelles banques. Cela leur a permis d'accéder au système avec pour seule modification l'ajout d'un intermédiaire, ce qui n'a pas vraiment eu d'impact majeur.
En exploitant les lacunes des restrictions financières européennes et en développant des partenariats avec de nouvelles banques pour conserver l'accès aux systèmes financiers internationaux, la Russie a utilisé des pays tiers tels que la Turquie et la Suisse pour contourner les sanctions.
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Bien que membre de l'OTAN, la Turquie a été critiquée pour son rôle dans le contournement des sanctions entre l'Europe et la Russie. Malgré les implications politiques des sanctions, la Turquie a choisi de profiter de ce commerce sous embargo, montrant un manque d'engagement envers les mesures internationales. Le fait qu'elle accepte les paiements en roubles russes et en crypto-monnaies souligne son désintérêt pour les implications politiques des sanctions et met en évidence son attitude opportuniste à l'égard des transactions internationales.

Quant à la Suisse, bien qu'elle ait intensifié ses efforts pour lutter contre le contournement des sanctions russes, des critiques persistent quant à son efficacité à empêcher l'utilisation de son système financier neutre à des fins de contournement. Malgré les mesures prises par le Secrétariat d'État à l'économie pour enquêter sur les sanctions et les faire appliquer, le fait que des milliards d'actifs aient été gelés montre l'ampleur du problème et suggère que la Suisse a toujours fait preuve de laxisme dans l'application des sanctions internationales, permettant ainsi aux entreprises et aux particuliers de contourner les restrictions.
Direction of Russian sanctions


Budget de la Russie pour 2024 : Les priorités militaires au détriment de l'économie nationale

En ce qui concerne la Russie, la proposition de budget du gouvernement russe pour 2024 révèle une vision claire de l'avenir du pays, marquée par une implication continue dans un conflit prolongé en Ukraine.

Avec des dépenses militaires qui atteignent des niveaux sans précédent, dépassant même les dépenses sociales, la Russie semble déterminée à maintenir sa puissance militaire et son influence régionale. Cependant, cette stratégie comporte des risques économiques importants, notamment en raison des sanctions, qui nécessitent une ponction de plus en plus fréquente du fonds souverain de la Russie, le Fonds de la richesse nationale de la Fédération de Russie. Russian National Wealth Fund (NWF).

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Le problème est que cette utilisation du NWF a entraîné une réduction des réserves de liquidités de la Russie, une grande partie des réserves étant désormais constituée de roubles. Cette situation est particulièrement préoccupante compte tenu de la dévaluation constante du rouble et de l'inflation galopante.

De plus, la décision de donner la priorité aux dépenses militaires au détriment des secteurs sociaux essentiels pourrait entraîner des tensions internes et des conséquences négatives pour la population russe.

En définitive, la décision du Kremlin de s'engager dans une guerre prolongée en Ukraine pourrait avoir des répercussions durables sur l'économie et la société russes, mettant en évidence les défis auxquels le pays devra faire face dans les années à venir.
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